L’atome Évanoui de l’Apartheid
L’atome Évanoui de l’Apartheid : Le programme nucléaire sud-africain démantelé
On apprend beaucoup en analysant le programme nucléaire de l’Afrique du Sud. :
- C’est d’abord la garantie de survie que se donne un petit pays de six millions de blancs qui se voient assiégés, un programme « minimum » mais « suffisant »,
- C’est surtout une référence, celle d’un programme démantelé quand le régime contestable qui l’a fait naître prend fin et que s’évanouissent les menaces régionales qui le justifiaient.
L’atome est pour les Blancs
L’Afrique du Sud, Etat développé, ségrégationniste, menacé par des voisins soutenus par l’Union soviétique, condamné de toutes parts a vu, à partir des années 70, disparaître les soutiens occidentaux. De plus en plus isolé, le gouvernement Sud africain s’est convaincu qu’il ne sera pas secouru en cas d’attaque et que l’arme nucléaire était la seule garantie de la survie du Pays et de son régime . On doit admettre que c’est une décision rationnelle.
Très tôt l’Afrique du Sud s’est intéressée au nucléaire :
- tout naturellement, puisque depuis 1952 elle est un producteur d’uranium,
- 1957 est une première date clé. Elle voit la signature d’un accord avec les Etats-Unis, dans le cadre du programme "Atoms for Peace". Il permet au pays d’acquérir un réacteur nucléaire Safari-1 et du combustible hautement enrichi.
- l’année 1970 voit le lancement d’une première phase scientifique d’études sur le thème « nuclear explosives ».
- la dimension militaire est retenue en 1974 lorsque la pénétration soviétique en Afrique s’est faite plus insistante,
- le programme aboutit en 1987.
Le programme nucléaire Sud africain est exemplaire par sa modestie : la bombe à la portée d’un petit pays. La population blanche de l’Afrique du Sud n’atteignait pas six millions de personnes dans les années 1980.
Le combustible fissile trouve sa source dans un procédé d’enrichissement « local » dérivé du procédé allemand « jet-nozzle », un procédé de séparation isotopique par tuyères, développé par le professeur Erwin Becker. Le site d’enrichissement pilote est lancé en 1971, et le site industriel atteint son plein régime en 1977.
Les bombes sont des engins d’architecture simple « gun-type », sans générateur de neutrons. Le cœur est constitué de 55 kilos d’uranium 235 enrichi à 90% la puissance attendue de la bombe est comprise entre 10-et 18 kilotonnes. La première bombe ne sera pas assemblée avant 1982. Six bombes au total seront assemblées à la cadence d’une bombe par an seule permise par les capacités de production d’uranium enrichi. Ce sont des engins relativement lourds, une tonne avec un diamètre de 65 centimètres et 1,8 mètre de longueur.
Ces bombes devaient être portées par un bombardier léger Buccaneer d’origine britannique dont le premier vol remonte à l’année 1968.
Sources:
[1] A chronology of South Africa’s nuclear program, http://cns.miis.edu/npr/pdfs/masiza11.pdf , Base\A_Chronology_of_South_Africa's_Nuclear_Program.pdf
[1] Comment l’Afrique du Sud a pu mettreau point « sa » bombe nucléaire, http://www.monde-diplomatique.fr/1978/09/SCHISSEL/16853 , Base\Comment_l’Afrique_du_Sud_a_pu_mettre_au_point_sa_bombe.pdf
[1] South Africa's Nuclear Weapons Program , http://nuclearweaponarchive.org/Safrica/SABuildingBombs.html , Base\South_Africa's_Nuclear_Weapons_Program.pdf
[1] Birth and Death of the South African NuclearWeapons Programme http://www.fas.org/nuke/guide/rsa/nuke/stumpf.htm , Base\Birth_and_Death_of_the_South_African_Nuclear.pdf
Figure 44 Un bombardier Buccaneer aux couleurs de l’Afrique du Sud
Londres et Washington sont visés
La doctrine d’emploi des armes nucléaires Sud africaines n’a été que partiellement dévoilée. Elle comportait deux dimensions, préventive et opérationnelle.
La première et principale dimension est préventive. Sa finalité : obtenir le soutien de l’Occident, c’est à dire de Londres et de Washington, en cas d’agression orchestrée par l’Union soviétique. Les moyens mis en œuvre, un chantage nucléaire en trois phases :
Phase 1 : Incertitude stratégique : la capacité de dissuasion nucléaire n’est ni reconnue ni niée,
Phase 2 : si l’intégrité de l’Afrique du sud était menacée, par exemple par les pays du Pacte de Varsovie ou par des forces cubaines en Angola, il serait envisagé de demander à ce que certains pays comme les Etats-Unis en reconnaissent secrètement l’existence,
Phase 3 : Si la divulgation partielle des capacités de l'Afrique du Sud n'était pas suffisante pour faire disparaître la menace, une annonce publique ou un test souterrain seraient envisagés pour faire la preuve des capacités nucléaires Sud africaine.
La doctrine opérationnelle n’a pas vu le jour. A cela deux raisons :
- l’importance des réactions internationales redoutées en cas de mise en œuvre de frappes.
- l’absence d’adversaire : l’Angola ne sera jamais une menace pour l’Afrique du Sud. Faute de vis-à-vis crédible, la dissuasion ne peut pas être.
Le programme nucléaire militaire peut être, doit être démantelé
La fin de l’apartheid, et la constitution d’un régime multiracial, fait disparaître les menaces alentour. Les engins nucléaires Sud africains peuvent être désassemblés, la composante industrielle militaire dispersée ou ruinée sans que la sécurité du pays en souffre.
Mais le pays va plus loin. La bombe Sud africaine n’appartient pas au patrimoine de la Nation africaine, c’est l’arme de l’Apartheid. Le pouvoir blanc, au moment de disparaître, veille à ce que tout le substrat industriel ayant permis la construction des armes nucléaires soit démantelé. La décision est prise par Frederik Willem De Klerk en 1990. Elle accompagne le processus démocratique qui allait mettre fin à l’apartheid en 1991. En 1994, après que l’inspection des sites nucléaire ait été achevée, l’AIEA confirmait la dénucléarisation de l’Afrique du Sud. Selon eux, un « pouvoir noir » ne devait pas disposer de l’arme nucléaire.
EV